Orphelinat de Saint-Jean-sur-Mer, vers minuit ; à une époque où filles et garçons ne se mélangeaient pas autant qu’aujourd’hui. Alicia serrait sa serviette contre son petit gilet en laine, hâtant le pas pour rester le moins longtemps possible dans les couloirs froids et humides.
L’établissement comportait un grand bâtiment déjà très ancien, construit à la hâte, comme tout ce qui bordait la côte. Il fallait bien accueillir à moindres frais toutes ces familles modestes pouvant enfin profiter de leurs congés payés.
Voilà plus de 18 ans que la jeune femme grandissait dans cette institution austère, peu portée sur les démonstrations d’affection. Alicia en avait souffert : elle était timide, malhabile dans ses relations avec les autres, renfermée dans son univers intérieur. Elle s’exprimait bien mieux avec ses crayons et ses instruments qu’avec des mots.
Elle avait pris l’habitude de prendre sa douche très tard le soir, à l’insu de la surveillance des éducateurs. C’était l’une des rares personnes ayant découvert l’un des secrets des lieux : il y avait une ancienne salle de douche dans l’aile Est du bâtiment, où l’on pouvait pénétrer en forçant un peu la serrure. Si on faisait abstraction de l’odeur de renfermé et des quelques toiles d’araignées pendant au plafond, on pouvait y trouver l’un des rares lieux de solitude de toute l’institution.
En plus de la quiétude des lieux, Alicia appréciait de pouvoir rester longuement sous l’eau chaude, sans qu’on ne le lui reproche. C’était l’un de ses seuls plaisirs coupables. La douche était directement reliée à la chaudière centrale, c’était un privilège dont elle s’était bien gardée de parler aux autres filles de son dortoir.
Elle soupira d’aise en arrivant dans l’espace assez étroit, mais où elle se sentait déjà en paix. Comme dans un cocon secret. Elle posa ses vêtements sur un lavabo jauni par le temps, puis entra dans la cabine, sans fermer derrière elle, afin que la lumière de la Lune aide la seule ampoule de la pièce à éclairer son corps à la peau pâle.
Alicia alluma l’eau chaude et la laissa couler abondamment dans ses cheveux, posant son front sur un mur fin, qui laissait planer un certain mystère sur ce qui trouvait de l’autre côté. Curieuse, elle avait mené sa petite enquête en regardant par un petit trou présent au sein même de la douche. Un trou d’à peine une moitié d’œil, mais où hélas la pénombre l’empêchait de distinguer clairement ce qui devait être le restant d’une grande pièce.
Cela faisait déjà plusieurs mois qu’elle avait oublié même jusqu’à son existence de ce qui devait être un coup de perceuse malheureux d’un ouvrier. Du moins…jusqu’à cette nuit, ou alors qu’elle laissa ses pensées s’écouler avec l’eau, elle entendit quelqu’un se mettre à chanter de l’autre côté.
La voix emplit la pièce et Alicia, sursautant, ferma l’eau pour qu’on ne remarque pas sa présence. La mélopée continua et elle prit le temps de l’écouter. À sa grande surprise…c’était une voix d’homme. Assez jeune, semble-t-il, car il n’y avait pas encore ce côté plus grave typique des personnes plus âgées.
L’angoisse laissa place à l’admiration. La personne de l’autre côté avait une voix remarquable et chantait très juste. C’est pourquoi la jeune femme s’assit sur le carrelage, joignant ses jambes contre elle pour se tenir un peu chaud. Mais la fraîcheur la faisant frissonner n’était pas suffisante pour la dissuader d’écouter religieusement la chanson de cet inconnu. Pendant de longues minutes, elle ferma les yeux et se laissa bercer par les couplets.
C’est alors qu’elle remarqua un autre bruit en prêtant l’oreille : celui de l’eau qui coule. Elle comprit alors, avec grande surprise, que sa cabine de douche secrète avait effectivement une jumelle…dans le bâtiment des garçons.
Elle ne put s’empêcher de rougir de cette situation, à la fois émue par le chant et l’excitation d’effleurer un délicieux interdit. Elle mordilla l’un de ses doigts, luttant contre une tentation qui fit monter en elle une envie qu’elle n’avait que lorsqu’elle s’autorisait quelques caresses sous la couverture.
Se mettant à genoux, elle plaça son œil gauche au niveau du trou, avant de se raviser immédiatement, comme si sa raison lui interdisait de briser le tabou social. Oserait-elle assouvir sa curiosité ? Après cinq longues minutes d’hésitation, portée par la douce voix de cet inconnu…elle succomba.
Ajustant sa vue à la luminosité de la pièce secrète, elle découvrit le corps mouillé de l’étrange chanteur, la peau claire, la vue centrée au niveau des hanches, offrant à l’œil indiscret d’Alicia le spectacle d’une paire de fesses bien ferme. Elle se mordit la lèvre inférieure. Jamais elle n’avait vu ça et ferma les yeux un instant d’une gêne coupable, avant de les rouvrir pour ne finalement rien louper. Foutue pour foutue…
Au bout de quelques dizaines de secondes, l’homme se tourna pour se savonner et dévoila son ventre, ainsi que son sexe. La jeune femme ne manqua pas de passer longuement sa vue sur chaque centimètre de ce corps pleinement révélé à sa curiosité. Elle aurait été incapable de juger si la taille de ce membre viril semblant dressé devant elle correspondait aux fantasmes irréels qu’elle s’était construits au fil des années. La seule chose dont elle était certaine, c’est que son ventre papillonnait et tout son être éprouvait du désir pour ce corps anonyme.
L’inconnu termina de se savonner et se contenta de siffler au lieu de chanter. La scène d’espionnage sembla durer de très longues minutes et un doute commença à s’immiscer dans l’esprit subjugué d’Alicia. Absorbée par l’excitante nouveauté, elle n’avait pas remarqué que cet inconnu semblait alterner les postures sous la douche, comme s’il se jouait d’être observé. En effet, il avait cette manière de parfois de se présenter sous un profil plus érotique qu’un autre, d’effleurer son sexe de ses doigts, de le tenir parfois. Le trouble s’installa définitivement et Alicia se retira, baissant les yeux, se sentant mal à cette pensée.
Alicia sursauta et son cœur fit une emballée. Elle resta tétanisée, comme une enfant prise la main dans le sac en train de faire une grosse bêtise, alors que la voix du garçon sembla s’adresser directement à elle. Oui, aucun doute possible là-dessus. Il savait qu’elle était là, de l’autre côté.
Elle crispa ses yeux en s’empêchant de pleurer de honte. Les mots vinrent avec difficulté et elle ravala un sanglot après de longues secondes où elle hésita à partir en courant.
Un petit rire servit de réponse à ses excuses encore plus ridicules et touchantes avec l’emploi du terme - « monsieur ». Il ne faisait aucun doute qu’il était un orphelin comme elle et non un éducateur.
À la sensation de honte se mêla à présent un malaise mêlant pudeur, timidité et excitation. Se vêtant dans une certaine dignité d’usage, elle se prépara à s’en indigner, mais ravala ses mots, se rendant compte que cette situation cocasse avait été initiée des deux côtés du mur. Alors, les pensées se bousculant dans sa tête, elle donna l’occasion à l’homme de poursuivre.
Alicia rougit comme seule réponse. Bien sûr, rien ne pouvait lui permettre d’affirmer qu’il disait la vérité. Après tout : il pourrait dire la même chose aux deux autres. Mais c’était là son premier vrai contact avec la gent masculine où elle était totalement mise à nue, au sens propre comme au sens figuré. Alors, elle se mit à sourire et à serrer ses jambes contre elle comme si c’était ce mystérieux inconnu.
Il ne dit rien pendant quelques instants, se contentant de s’asseoir et de poser son dos contre le mur. Alicia en sentit la vibration et son cœur vibra de même. Elle eût l’impression que rien ne les séparait. Son cœur battait lourdement dans sa poitrine.
Une sorte de dialogue silencieux s’installa. Aucun des deux n’initia une vraie conversation, comme si leurs visages dissimulés et leurs noms tus devaient rester dans l’ombre, tandis que seuls leurs corps s’offraient l’un à l’autre en toute lumière.
Il finit par demander d’une voix calme et posée, quelques mots qui ravivèrent le brasier dans le bas-ventre de la jeune fille.
Un sourire immense s’installa sur le visage de la jeune femme qui n’osa rien répondre de suite. Elle rougit encore plus fort et il perçu sa réponse aussi nettement qu’un oui à haute voix.
Il se releva lentement et sembla s’éloigner du mur. Alicia ne bougea pas pendant quelques secondes, avant de ne rien écouter d’autre que son envie. Et elle aperçu alors de nouveau ce corps masculin, du torse aux bas des genoux, s’offrir en spectacle devant elle.
Le garçon se présenta sous son meilleur jour. Il commença à jouer avec son sexe. Alicia se mordit la lèvre d’envie. Pour arriver à supporter l’excitation qui la faisait trembler, elle commença à se caresser les seins. Ils durcissaient et gonflaient de plus en plus, lui donnant un plaisir bienvenu. Elle céda bientôt à la tentation de glisser sa main entre ses cuisses. Elle le faisait rarement, mais elle n’en avait jamais autant eu envie que maintenant. Rien n’aurait pu l’arrêter. Sa respiration s’accéléra tandis qu’elle sentait les pulsations de plaisir parcourir tout son corps. Elle n’arriva pas à retenir des soupirs se transformant petit à petit en gémissements. Ses pupilles ne pouvaient arrêter de regarder ce beau sexe dressé devant elle, si dur et désirable, enserré entre ses mains aux doigts allongés.
Si elle prenait un plaisir certain à se délecter de cette scène érotique, il ne semblait pas bouder son plaisir non plus. Il se jouait de l’angle qu’il offrait, de ses soupirs et de son souffle, des mouvements suggestifs de ses hanches, pour attiser l’imaginaire d’Alicia.
Semblant atteindre un certain cap dans son excitation, il fit entendre de nouveau sa voix.
Un petit gémissement incontrôlable mêlant surprise et excitation servit de réponse. Elle se mordit les doigts d’en dévoiler autant sur le plaisir qui était le sien. Elle hésita. Encore. Et encore. N’arrêtant pas ses doigts pour autant. Et sa raison s’éteint, sans que l’homme insistât de nouveau.
Elle se releva à son tour, avec bien moins de confiance qu’il ne l’avait fait, se présentant à une hauteur qui lui sembla judicieuse pour en dévoiler assez sans en dévoiler trop. Alicia se sentit un peu perdue et gênée. Il était plus facile pour elle de voir que d’être vue. Mais elle essaya de ne pas le décevoir. Et commença timidement à passer ses mains sur ses seins, sur son ventre, sur ses cuisses, les serrant pour ne pas révéler tout de suite son intimité.
Heureusement, de l’autre côté, elle entendit le souffle de la respiration de l’inconnu. Plus fort, plus intense, bercé de quelques gémissements de plaisir et des - « hmmmm » qui la confortèrent assez pour qu’elle se prête pleinement au jeu.
Elle finit par tout dévoiler. Et continua de se faire plaisir comme elle l’avait fait seule en se délectant de voir son étrange partenaire de jeu en faire de même. Ses doigts caressaient et pénétraient son sexe. Il semblait particulièrement apprécier cette idée. Elle pouvait immédiatement l’entendre…le sentir. Un jeu des plus excitants.
Et soudain, une complainte plus forte de plaisir parvint à ses oreilles par le petit trou, un pic dans son plaisir, des râles de contentement masculins. Sans pouvoir l’imaginer réellement, cela suffit pour faire jaillir en elle des grandes contractions de plaisir qui manquèrent de la faire tomber sur le carrelage. Sa respiration haletante ne pouvait que faire vibrer encore plus ses gémissements de plaisir.
Elle laissa sa tête posée contre ses genoux, afin de reprendre son souffle. Difficile pour elle d’avoir de quelconques pensées lucides à cet instant. Le plaisir continuait de pulser en elle au même rythme que son sang. Reprenant ses esprits petit à petit, l’excitation laissa place à un sentiment très inconfortable de doute et de pudeur. Elle n’arriva pas à concevoir qu’elle avait fait tout ça…devant les yeux d’un inconnu.
Alicia se releva brutalement, les larmes coulant sur son visage.